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TEXTE. Hamed et sa géographie affective. Les liens entre croyances, conscience affective et esprit critique / ©S. Delrieu

Vivre dans “son” monde ou vivre dans “le” monde ?

« Aucune religion, philosophie, société, connaissance, groupe humain ou personne n’échappe à une construction historique de ses récits et productions. »

Esprit critique ET conscience affective

Ce texte aborde la question de l’esprit critique comme une activité affective ET mentale, ce qui demande d’écouter à la fois les discours et les sous-textes affectifs de ceux-ci. Les discours sont le fruit d’un processus dont les racines affectives peuvent être très profondes, en écho bien souvent à des ambiances et récits “absorbés” durant la petite enfance. 

L’historicité de ce qui devient « croyances » pour un individu peut non seulement se révéler très opaque (à nous-mêmes comme aux autres) mais résister au changement si le remaniement proposé vient s’opposer de front aux constructions intimes, en niant ou en dévalorisant celles-ci. Ce qui fait « sens » pour une personne, quels qu’en soient les raisons et le contenu, est à la base de son « moi-corps » et de son intégrité psychique.

Le récit ci-après donne un exemple d’un remaniement en douceur, qui ne s’oppose pas à une « fausse croyance » (dans le cas de Hamed : croire que l’Égypte et l’Arménie sont géographiquement côte à côte), mais qui lui a permit de prendre conscience du « sens caché » de sa croyance, sur un plan historique, sensible et symbolique dans son histoire de Sujet – tout en lui proposant d’intégrer une nouvelle représentation géographique plus objective.

Récit : les croyances d’Hamed, jeune adolescent en difficulté scolaire et sociale

Je travaillais à l’époque dans un Centre de l’enfance aux Pennes Mirabeau où les jeunes accueillis avaient été exclus des établissements scolaires puis exclus des établissements spécialisés. Durant deux ans, j’ai mené des ateliers artistiques avec un ami peintre. Nous avions axé une réflexion autour de la fiction et du documentaire. 

Le film « La haine » venait de sortir (1995), film rapidement devenu culte, et objet de culte, pour la génération présente dans ce lieu. Pour eux, ce film était un documentaire, tandis que le reportage sur les jeunes orphelins en Russie que nous leur avions projeté était une fiction. 

Je compris là que dans leurs perceptions, tout ce qui parlait d’eux était documentaire, et ce qui ne les concernait pas était fiction.

L’état d’alerte était permanent dans et entre les jeunes, alerte adrénalisante, regards vifs, plans, conflits toujours en train de couver. Les yeux en activité permanente surveillaient les quatre directions, le sol et le plafond. Les mains se tordaient et les jambes étaient animés par des secousses nerveuses incessantes. Cette hyperactivité nerveuse permanente se diffusait chez les éducateurs, obligés de suivre à la trace la moindre embrouille. 

Une scène est resté gravée dans mon esprit. Le jeune garçon, 16 ans, Hamed, était illettré, et nous échangions sur la manière dont il circulait dans la ville. Ne pas savoir lire, c’est ne pas savoir lire les panneaux, le plan du métro, et une foule d’informations basées sur l’écrit. Il mémorisait autre chose dans le paysage urbain et généralement ne circulait jamais seul dans des lieux inconnus. 

Nous parlions de sa famille et de ses origines lorsque je me suis aperçue que, pour lui, étant d’origine arménienne et égyptienne, ces deux pays étaient géographiquement côte à côte. Côte à côte affectivement donc côte à côte géographiquement.

Je commençais à percevoir son monde intérieur.

Nous sommes allés voir une carte du monde, la France est là, Marseille, au sud d’un côté l’Espagne de l’autre l’Italie, puis la Grèce, puis… Je regardais la carte et ses yeux se poser sur cette carte comme les miens sur du chinois. Il m’écoutait tranquillement, sans doute parce que ce moment de calme l’éloignait quelques instants du trafic ambiant.
Pour lui, cette carte du monde ne représentait rien, elle ne présentait rien d’autre que des traits et aplats de couleurs.

Il fallait que je trouve un passage entre ce qui se présente en lui, ce qui existe à l’extérieur, ce qui se re-présente pour lui, et ce qui pourrait se re-présenter pour nous deux. 

Le point de passage fut le corps. Nous allâmes sous un préau avec des craies blanches. 

J’abrège le dialogue qui fit le tour de la Méditerranée, et nous avec, physiquement, en dessinant au sol les lignes de démarcations entre mer et terre et entre pays.
Sa concentration était intense comme si son corps explorait un nouveau territoire à la fois intérieur et  extérieur.

Pour terminer, nous sommes revenus voir la carte du monde, et je lui ai restitué la représentation visuelle de l’espace que nous venions d’explorer sensoriellement. 

Carte_Mediterranee

Nous avons parlé de la différence entre une géographie affective, liée à la manière dont il a mémorisé les récits familiaux, ce roman familial auquel personne n’échappe, et la construction d’un lieu commun qui nous permet d’avoir collectivement les mêmes représentations, de pouvoir s’entendre sur une géographie commune – et d’habiter le même monde. 

Quelle était la géographie affective des jeunes partis en Syrie ou en Irak ?

Cette séance de sophrologie improvisée avec Hamed eut lieu en 1996, il y a 22 ans (La Haine. 1995). En 1995, eut lieu l’attentat de la station RER Saint Michel et la traque de Khaled Kelkal. De manière rétrospective, nous identifions mieux le chemin qui nous fit passer de 1995 à 2001 (New York), de 2001 à 2002 (Mohammed Merah), de 2002 à 2004 (Madrid)… puis 2015 (Charlie Hebdo, le Bataclan, l’Hypercasher) et la suite.

➜ Quand nous prenons conscience des contenus et des logiques des « mondes intérieurs » (et que nous réalisons à quel point « l’autre » peut vivre dans un monde très différent du nôtre), une question a surgit : quand un jeune part en Syrie ou en Irak, comme cela eut lieu de nombreuses fois entre 2010 et 2016, où part-il réellement ? 

Dans quel pays affectif certains jeunes sont-ils partis en guerre ? Contre qui ? Contre quoi ? Dans quelle géographie affective les discours clivant de l’état islamique ou de certains fondamentalistes viennent-il entrer en résonance ? Qui se bat contre qui ? Qui est pur ? Qui est impur ? Victime ? Coupable ? De qui ? De quoi ? Qui est légitime ? Qui ne l’est pas ? Qui faut-il éliminer ? 

Les jeunes filles qui sont parties seules jusqu’à la frontière turque, avec des inconnus en pays inconnu, voyageaient sans doute dans une géographie affective que nous avons du mal à imaginer. Plus dure fut la chute, pour certain(e)s, lorsque la réalité a crevé leur bulle, « leur monde ».  

« Comprendre, non pas ce qui est dit,
mais ce qui fait dire à chacun ce qu’il dit,
et à travers ce qu’il dit et comment il le dit,
ce qui lui fait penser ce qu’il pense »
Abdelmalek Sayad

Confusion affective ET confusion mentale ont partie liée

L’air du temps pose la question du discernement et de l’esprit critique (entre le vrai et le faux, le délirant et le raisonnable…). Internet et les réseaux sociaux révèlent au grand jour, grâce à la pulsionnalité de « l’expression de Soi » qui y est convoquée, le monde intérieur et les « géographies affectives » des uns et des autres. Les « folies privées » deviennent publiques. En devenant visibles, « likées et partagées », elles gagnent en adhésion et en puissance, et en gagnant en puissance, peuvent avoir tendance à transformer ces intimités en « folies publiques », créant de puissants rapports de force entre « récits ». 

➜ En suivant attentivement ce que révèle la séance avec Hamed, nous pouvons sentir pourquoi certains récits, transmis à l’école, peuvent paraître faux à certains jeunes : ces récits n’ont peut-être aucune résonance avec ce que leur raconte leur monde intérieur, avec leur expérience intime, avec les scénarios affectifs qui les habitent.

Pour de nombreux jeunes sans doute, c’est le conflit entre deux types de récits qui sera décisif : si ces récits sont présentés comme incompatibles (par les uns comme par les autres), la solution psychique sera de faire un choix en tranchant. Pour comprendre les choix qui vont vers une primauté du religieux sur le scientifique, il faut sans doute explorer certains imaginaires de la religion musulmane, comme la peur de l’égarement ou de l’enfer, la figure du « savant » ou certaines questions identitaires impliquant fortement l’affectivité. Mais ce n’est pas le but de ce texte.

➜ Une autre question concerne l’éducation nationale. Hamed avait 16 ans. Que s’est-il passé dans la jeunesse de ce garçon, dans sa famille et à l’école, pour qu’il ait à ce point échappé à l’apprentissage de la re-présentation abstraite d’une réalité extérieure ? Comment sa géographie affective a-t-elle pu perdurer depuis l’enfance sans jamais se laisser remanier par une autre géographie mentale plus objective ? Comment certains jeunes, qui ont passé des années à l’école, peuvent-ils échapper à ce point à l’activité de la re-présentation et de la symbolisation pour que le monde ne fasse que se présenter à eux de manière directe, massive, inconsciente et hyper-affective ?

Résistance affective ET résistance mentale ont partie liée

Pour en revenir à la question des croyances et de l’esprit critique, celui-ci ne peut pas émerger d’une lutte « contre » la construction affective d’une personne, et notamment d’un jeune en train de se construire – et cela d’autant plus quand un enjeu identitaire peut rigidifier la posture.
Il y aura une intense opposition à ce qui sera vécu comme une volonté de destruction de sa propre construction psychique, tant qu’un passage créatif, reliant, ne sera pas proposé et que le jeune n’y ressentira pas affectivement un sentiment de promotion. 

➜ J’aurais pu dire à Hamed que ces deux géographies, l’affective et l’objective, n’entraient pas en compétition, et ne se niaient pas l’une l’autre parce qu’elles ne décrivaient ni les mêmes espaces ni les mêmes lieux ; que dans son monde affectif intérieur l’Égypte et l’Arménie étaient côte à côte ET que dans le monde géographique extérieur, ces deux pays étaient plus éloignés ; que la cohabitation des deux univers étaient possibles à partir du moment où existe une conscience de leur place, de leur raison d’être et de leur usage ; que les deux ont donc du sens, mais ne décrivent pas le même « univers de sens » ; que chaque espace a ses codes, son langage, sa construction et ses images ; que ces espaces se construisent avec les autres, se transmettent et se transforment ; que les codes appris à l’école permettent de mieux se repérer dans notre société et d’avoir des représentations communes avec des personnes que nous ne connaissons pas ; que nous avons besoin de représentations sociales plus objectives et communes pour pouvoir s’entendre et se comprendre ; que l’on trouve d’abord sa place, son rôle, son métier… dans une représentation intérieure de la société  avant de la vivre extérieurement ; etc. 

Jamais je ne lui aurais parlé de vérité s’opposant à une autre vérité, ni de vrai, ni de faux. 

Le rôle de la sensorialité et de l’imaginaire dans les remaniements affectifs ET intellectuel

Dans la séance décrite avec Hamed, j’ai construit plusieurs alliances :

Un état d’esprit et une manière de faire… tout en laissant faire

PS : Cette démarche se fait avec l’accord de la personne et grâce à un transfert suffisamment positif.

L’ancrage affectif de l’intellect

Par mon métier de sophrologue, à force d’écouter attentivement les mondes intérieurs, les folies privées, les fantasmes, les croyances et représentations qui en découlent, je peux témoigner du fait que ce qui n’est pas ressenti par le « monde intérieur » et le sensible ne provoque pas d’adhésion (rentre par une oreille et sort pas l’autre). Ce qui prend « sens » relie toujours l’affect et l’intellect – même chez les plus rationalistes… 

➜ En travaillant avec des jeunes (et pas que), à la question « Qu’est-ce que tu penses », je fais précéder « Qu’est-ce que tu ressens ? », puis « Qu’est-ce que tu penses de ce que tu ressens » à laquelle s’ajoute « Qu’est ce que tu ressens de ce que tu penses ? ». Une élaboration dans le temps peut également être introduite : « Qu’est-ce que tu ressens de ce que tu pensais hier ? » et « Qu’est ce que tu ressentirais si tu pensais autre chose ? », etc… 

Dans ce type de tricotage entre ressentir et penser peut se jouer une élaboration de son propre esprit devenant doublement critique, réflexif et créatif. 

© Sandrine Delrieu, sophrologue, sophro-analyste. Mars 2018

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SCHÉMA. Radicalisations ? Approche transversale d’un millefeuille de contextes, où… se tissent causes et conséquences.

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Ce schéma est le fruit d’observations sur le terrain, d’écoute des discours ambiants, d’analyses et de recherches.
Il synthétise une pluralité de contextes impliqués dans les radicalisations, en passant par les blessures de l’intime, le roman familial, la mémoire des siècles passés, l’historique et le géopolitique, les vécus sociaux et de multiples connaissances, sciences ou discours.
Il propose ici et là quelques éclairages permettant de sortir de certains clivages, de prendre du recul ou de changer de manières de voir (ces éclairages sont développées en atelier et formation).

Ce schéma est utilisé dans nos ateliers et formations.
Si vous savez le “faire parler”, vous pouvez vous en servir comme point d’appui pour dialoguer en groupe (avec des jeunes également).

Les ateliers et formations sont conçus dans cet état d’esprit transversal. Suivant les contextes et les besoins, l’âge, les questionnements des stagiaires, nous développons telle ou telle facette, tout en ayant la globalité en tête.

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LIEN. Comment le cerveau refuse de changer d’opinion politique (et religieuse).

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Note Cerese : La rigidité mentale et le fait de s’accrocher à des certitudes qui nient souvent d’autres facettes de la réalité n’ont rien à voir avec une “liberté de penser”.
Les résistances au changement de “point de vue” peuvent être profondes quand les remaniements du “Moi” font trembler la construction narcissique (narcissisme primaire et narcissisme du moi) et représentent une véritable menace, un “danger de mort”.
Certaines pratiques, comme la sophrologie [11], peuvent favoriser une plasticité émotionnelle et mentale… et apporter un sentiment de sécurité intérieure qui facilite la transformation de certaines représentations, fantasmes, obsessions…


Cet article est paru sur le site de Sciences et Avenir, ICI [12], le 29 décembre 2016.

Cerveau politique

“A lire avant les ultimes discussions précédant l’élection présidentielle du week-end prochain : une étude californienne montre que lorsque ses opinions politiques sont remises en question, le cerveau déclenche une réaction de résistance.

cerveau politique copie

(En jaune / rouge, les zones cérébrales activées lorsque l’on défend ses opinions politiques)

“Tu n’écoutes rien, tu restes campé sur tes positions !” Samedi prochain, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, peut-être votre beau-frère vous claironnera-t-il cela lors d’une discussion politique dans un repas de famille ?
Répondez : “Ce n’est pas ma faute, c’est mon cerveau”, et vous aurez raison ! En effet, une étude de l’Institut du cerveau et créativité de l’université de Californie du Sud (Los Angeles) publiée en décembre 2016 dans Nature, l’affirme : le cerveau s’accroche à ses croyances politiques contre vents et marées ! Pour démontrer cela, 40 participants américains entre 18 et 39 ans, se décrivant eux-mêmes comme ” libéraux ” ayant ” des opinions politiques solides “, ont été soumis à un questionnaire où ils devaient évaluer la force de leurs opinions politiques telles que ” l’avortement devrait être légal ” ou ” les impôts pour les riches devraient être augmentés ” sur une échelle de 1 (faible) à 7 points (fort).

Puis les volontaires sont installés dans un appareil d’imagerie de résonance magnétique (IRM) qui va prendre des clichés de leur cerveau en fonctionnement alors qu’on les soumet à un petit jeu sournois. On leur projette, pendant 10 secondes, une des opinions politiques à laquelle ils ont adhéré totalement (entre 6 et 7 points). Puis s’affichent successivement, pendant 10 secondes également, cinq arguments provocants qui contrent l’opinion de départ, quitte à être mensongers. Par exemple, après l’opinion ” Les Etats Unis devraient réduire leurs dépenses militaires ” s’affiche l’argument ” La Russie possède près de deux fois plus d’armes nucléaires actives que les Etats-Unis ” (ce qui est faux, Ndlr). A la fin de la session, l’opinion politique initiale réapparait et le participant doit de nouveau l’évaluer en faisant varier le curseur de 1 à 7. L’opération est répétée avec huit opinions politiques différentes. Mais aussi avec des allégations n’ayant rien à voir avec le champ politique telles que ” Les multivitamines quotidiennes sont bonnes pour la santé ” ou ” Thomas Edison a inventé l’ampoule “. Soumises elles aussi à des arguments contraires.

“Nous pensons que les croyances politiques sont liées à l’identité”

Après analyses des résultats, le bilan est sans appel : le cerveau défend ses opinions politiques bec et ongles ! Après la lecture des contre-arguments, les opinions politiques perdent en moyenne 0,31 point de confiance, alors que les opinions non politiques perdent quatre fois plus. Pourquoi ? “Nous pensons que les croyances politiques sont liées à l’identité”, commente Jonas Kaplan, auteur principale de l’étude, professeur adjoint de recherche de psychologie à l’Institut de cerveau et de créativité. Cette explication, ils l’ont trouvée dans les images cérébrales.
Lorsque le volontaire lit un argument politique contraire à son opinion, cela génère chez lui l’activation de ce qu’on appelle le ” réseau cérébral du mode par défaut ” – qui comprend entre autres le précunéus, le cortex cingulaire postérieur et le cortex medium préfrontal – un réseau impliqué dans l’introspection, l’identité et le soi.

Un réseau qui s’active dans une autre situation. “Sam Harris et moi avons précédemment fait une étude sur la base neurale de la croyance religieuse, poursuit Jonas Kaplan. Dans cette étude, nous avons constaté que lorsque les gens évaluaient les déclarations religieuses par rapport aux déclarations non religieuses, il y avait une activité accrue de deux zones du réseau cérébral, mode par défaut, activé lors de l’étude sur les opinions politiques.”

Un véritable système de riposte cérébral

Ce n’est pas tout. Lorsqu’on entend un argument qui va à l’encontre de ses croyances politiques, un véritable système de riposte cérébral se met en place. Les chercheurs ont, en effet, révélé l’activation de structures comme l’amygdale cérébrale (impliqué dans la peur face à la menace), le cortex insulaire et d’autres structures liées à la régulation des émotions. La mémoire aussi est activée, à la recherche de la contre-attaque.

Au final, “les croyances politiques sont comme les croyances religieuses, dans le sens où elles font toutes deux parties de qui vous êtes et importantes pour le cercle social auquel vous appartenez”, souligne Jonas Kaplan. “Pour envisager un autre point de vue, vous devriez envisager une autre version de vous-même.” Très difficile donc.

De quoi expliquer peut-être pourquoi les militants pour un parti demeurent souvent aveugles et sourds aux arguments des autres bords. Est-ce à dire que les débats politiques sont inutiles puisque chacun campe sur ses positions ? “Notre étude a en effet été motivée par le fait qu’il semblait rare de voir quelqu’un changer son opinion sur un sujet important dans le débat public”, admet Jonas Kaplan. “Mais notre espoir est que si nous comprenons ce qui nous rend si résistants, nous pourrons utiliser cette information pour trouver des moyens de garder une flexibilité cognitive.” Un vœu pieu pour 2017 ?

En attendant, la prochaine étape pour l’équipe californienne est de faire passer le même test à des personnes ayant d’autres opinions politiques, notamment bien sûr, des Républicains.”

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TEXTE. Désamorcer les fantasmes des origines / ©S. Delrieu

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“Un fantasme des origines plane dans l’air du temps. Comme si se fondre dans l’origine, s’y mouler, s’y conformer, allait résoudre le sens de la vie sur terre ou dans les cieux d’après.

“Depuis les attentats de Charlie Hebdo 2015, le mouvement religieux des salafistes fut pointé du doigt. Il pouvait, chez certains jeunes ou personnes chez qui une haine ou des problèmes psychiques couvait, mener à un point de bascule vers le passage à l’acte ou à l’action violente, à force d’infuser dans l’esprit et l’affectivité une division entre « bons musulmans » et « mécréants » à convertir, à mépriser, voire à éliminer, et en nourrissant des angoisses parfois insupportables quant à l’enfer et au paradis.
Ces glissements de la piété à la piété compulsive puis vers une violence sacralisée ou le désir de précipiter la « fin des Temps » furent suffisamment bien analysés pour ne pas revenir dessus ici.

Pourquoi, en nous approchant des origines, risquerions-nous d’être happés par un trou noir et une folie destructrice ? Qu’est-ce que le « fantasme des origines » pourrait inconsciemment réactualiser ? Pourquoi ce besoin de récits des origines pour légitimer notre identité actuelle ? 

En sous-texte, les fantasmes d’une autre scène : la scène primordiale

En psychanalyse, le fantasme des origines peut évoquer les fantasmes de la scène primordiale, celle où nos parents nous ont conçu, l’acte créateur par lequel nous sommes venus au monde. Acte fondateur certes, mais dont nous sommes exclus puisque nous n’existions pas encore, tout en procédant de lui. 
C’est dans cette impensabilité que le fantasme des origines et la quête du scénario fondateur peut entrer en délires : « Si je remonte à mes origines, je n’existe pas. Et c’est de cette non-existence que mon existence surgit. » Certains imaginaires d’un retour aux origines peuvent ainsi aimanter vers la mort.

➜ Dans la vie courante, certains se contentent d’une mort symbolique, d’une dépression où le Moi s’effondre et sombrent dans une forme de néant avant de ressentir l’impulsion d’un nouveau départ et d’une nouvelle naissance. Ils ont échappée belle à l’anéantisation suicidaire, quasi atomique, dans laquelle cette aimantation des origines peut conduire. Cette descente aux enfers et cette remontée à la lumière peut d’ailleurs devenir un enseignement dont la spiritualité n’est pas à exclure.

➜ D’autres s’en sortent moins bien.
Il faut dire que cet acte fondateur des origines n’est pas un long fleuve tranquille. Il contient, en réalité ou en fantasme, la violence de la pénétration du sexe de l’homme dans le sexe de la femme. Il contient l’agression, la force brutale et le viol – la prise. Dans les sociétés, cultures, familles ou vécus où la sexualité n’est pas vécue dans le respect du désir mutuel ; où la sexualité est tabou tout en étant obsédante ; où les femmes serrent les dents et les jambes sous l’assaut brutal de leurs conjoints ou agresseurs ; où la pulsion d’emprise domine avec sa rage destructrice de posséder l’autre et de s’en servir ; où la culpabilité primaire ronge ; où l’incestueux rode… les fantasmes de la scène primordiale peuvent prendre une ampleur démesurée.

S’enfoncer, s’enfoncer, s’enfoncer… jusqu’au trou primordial des origines, au fil d’une régression temporelle et psychique où la mort donnerait naissance à la vie, et l’inexistence à l’existence. Cela ne va pas sans faire des souffrances et des morts, physiques et psychiques.

Une autre tentation pulsionnelle vient alourdir l’ambiance : la tentation pré-oedipienne de prendre la place d’un parent pour copuler avec l’autre.
Et un autre fantasme : s’auto-engendrer dans un acte qui combine toute puissance (en m’identifiant à mon parent, je suis mon parent !) et s’anéantir (je ne suis pas) dans un flux tendu vers une re-naissance.
Si « Être OU ne pas être (1) » donnait le choix, « Être ET ne pas être » n’en donne pas. Le suicide peut alors prendre figure d’accouchement libérateur de tensions impensables. Que ces fantasmes et pulsions produisent quelques problèmes d’identité est assez logique lorsque le psychisme est mobilisé par un tel magma.

En psychanalyse, l’approche d’une personne empêtré dans ces opacités sera historique, du point de vue de la construction de l’appareil psychique et des structures affectives, et sans doute en régressant dans la toute petite enfance. Remonter le temps, déconstruire et re-élaborer le destin des pulsions autrement.
Nul doute que cela prend un temps certain, et qu’il s’agira de « contenir » les différentes pressions intérieures avec une grande patience avant qu’une clarté intérieure n’advienne et qu’un processus de deuil et d’individuation ne retravaille l’affectivité. Si possible.

Faire le lien entre les « retours aux origines » prôné par certains courants religieux et le fantasme de la scène primordiale pourrait paraître osé, voire à côté de la plaque. En explorer l’hypothèse n’est cependant pas dénué d’intérêt, notamment quand ce processus conduit certains à se suicider tout en assassinant d’autres personnes dans un acte qui s’apparente à une « jouissance infinie » sur fond d’anéantissement et de re-naissance.

Désamorcer les fantasmes des origines, dans les histoires individuelles et collectives

Le champ du religieux peut être une belle aventure. Enquêter aujourd’hui sur la nature de l’âme, de Dieu, des lois spirituelles… et écouter ce qui a pu dans les temps anciens parler aux hommes d’autres temps et d’autres lieux peut prendre toute une vie (voire plusieurs). S’y consacrer, en soi, n’a rien de répréhensible. Travailler la question du sens de la vie, personnelle et collective, peut contribuer pleinement à une maturité affective, intellectuelle, relationnelle et spirituelle. Le « quiétisme » peut produire des parcours de vie sereins pour les personnes qui ont besoin d’un tel cadre dans la guidance.

Par contre, le fait que l’appétence pour un retour aux origines conduisent au suicide et à l’assassinat « Au nom de Dieu » inquiète nos jours et relève d’un tout autre registre. Quels sont les récits, dans le champ de la croyance religieuse, qui peuvent nourrir un « retour aux origines » aussi mortel ? Ils doivent être très puissants, pour avoir également déverrouillé l’interdit du suicide (Je ne développe pas ici).

Si la psychanalyse travaille sur une déconstruction / reconstruction au niveau de l’inconscient personnel, l’approche historique et anthropologique du religieux travaille une déconstruction / reconstruction au niveau des récits collectifs et scénarios fondateurs qui font référence pour une communauté de croyants. La réinvention d’un passé mythifié est courante sur le plan personnel comme sur le plan collectif. En psychanalyse et dans les histoires individuelles, nous parlerions :

Le travail sur soi permet d’aborder ces récits et de désamorcer certains fantasmes, d’éclairer des zones d’ombre ou les écarts entre ce que l’on croit et ce qui fut, entre ce dont on est conscient et les contenus de l’inconscient (avec sa grande mémoire, un vrai disque dur !). Les écarts entre ces récits produisent des écart de sens qui peuvent être insoutenables, morcelant la psyché en partie qui ne se racontent pas la même histoire.
Les moments-clefs d’un travail sur soi sont parfois fulgurants. Il se composent d’une série de « prises de conscience » : « Ah nom de Dieu2, c’était donc pour ça… ». L’effet intérieur donne la sensation de passer de la caverne à la clairvoyance, au pouvoir voir. Ce pouvoir de voir renvoie à cette belle image « dessiller les yeux ». Retrouver l’origined’un conflit, d’une croyance familiale, des conséquences psychiques d’un trauma… tel qu’il nous a sidéré à l’époque permet effectivement de s’en libérer. Beaucoup témoigneront que l’effet est radical ! La radicalisation en ce sens a des effets positifs, le passage de l’invisible au visible ayant force de délivrance et de maturation dans le psychisme du sujet.

Dans le temps long de l’histoire des peuples et des cultures, l’affaire est complexe car toutes les forces individuelles, parfois des millions de personnes !, contribuent à la fabrication des récits sous-jacents et des affects qui collent à la peau des imaginaires. Les peuples comme les pays se constituent avec des récits fondateurs, construits après-coup en fonction des besoins narcissiques, des nécessités de faire groupe et communauté autour d’un récit partagé, en lequel « on croit ». Il fera référence. Le « croire » est une colle qui fait tenir ensemble récits et personnes. 

Dans ces opérations réalisées après-coup, la manipulation de l’Histoire à des fins partisanes n’est pas nouvelle (Jeanne d’Arc en fait souvent les frais !) mais le mélange actuel entre le politique et certains courants religieux fascinés par un « retour aux origines » peut produire des tensions dommageables et parfois mortelles dans la société et pour certains jeunes. Depuis 2015, le travail de recherche des historiens et la diffusion de leurs études auprès des citoyens et des jeunes est devenu urgent et précieux.

L’histoire permet un travail à la fois rétrospectif et introspectif au niveau collectif en cherchant à s’approcher de la réalité de ce qui eut lieu, et en tenant compte de la société, des manières de vivre, de penser et de croire de l’époque étudiée, avec les enjeux qui furent les siens. Il s’agit de s’approcher de la réalité par tâtonnements successifs qui empruntent à la fois à l’archéologie, à l’étude des textes, des traces ou de la langue, et non d’avoir la volonté de construire une nouvelle vérité figée. D’une part, parce que nous réfléchissons avec un cerveau du 21ème siècle en regardant le passé, et avec nos valeurs, et de l’autre à cause du risque d’y reprojeter d’autres fantasmes et besoins actuels. En cherchant, la recherche repousse toujours la zone d’inconnu un peu plus loin ; et tourne autour… d’une réalité à laquelle elle ne pourra jamais coller à 100%.

La réinvention d’un passé mythique remonte, dans certaines religions, à un homme déclaré prophète pour ce qu’il a amené d’incisif et de radicalement nouveau dans la société où il vécu, puis dans le monde à travers ceux qui ont pris appui sur lui, ont transmis et nourrit son message. Nul homme et nulle société n’est neutre : nourrir un message, c’est aussi le remanier et l’adapter aux décennies qui passent pour qu’il soit entendable pour un nombre grandissant de personnes, et parfois dans des contextes géographiques et politiques très différents. Une souplesse devrait donc être de mise, en lisant ces récits à fois sur la plan historique (qui a dit quoi, quand et pourquoi) et, sur le plan symbolique (qu’est-ce que cela évoque et convoque, quand il y a mystère et récit du mystère).

En étudiant l’Islam et son texte fondateur, le Coran, les recherches sur la société tribale du VIIe siècle dans le désert d’Arabie (3), sur la manière de vivre et de croire des bédouins, nomades et sédentaires, sur leurs conditions de survie… permettent d’y voir plus clair sur le contexte d’émergence de ce qui devint ensuite une religion, et de « désamorcer certains fantasmes des origines » élaborés à partir d’intérêts politiques actuels et/ou des besoins psychiques du croyant (avec l’influence éventuelle des motions pulsionnelles racontées précédemment).

Le renoncement à la quête des origines

Qu’il s’agisse de travail sur soi individuel ou collectif, un point reste essentiel. Tout comme nous serions incapables de retrouver exactement tout ce qui a traversé nos sensations, notre activité psychique, nos tensions et délices… des premiers jours, semaines et mois de notre vie – nous sommes incapables de retrouver exactementtout ce qui a traversé les hommes et les femmes des siècles passés. Cette quête de compréhension des multiples origines de ce qui nous traverse et constitue doit avoir une fin.
Et c’est là que tout commence.
En faisant le deuil de cette quête (et dans un même temps de la scène primordiale) une nouvelle vie devient possible dans un présent délivré de cette tension. Accepter l’exclusion de nos propres origines, et faire le deuil de ces retrouvailles mortelles est peut-être une des étape-clefs d’un processus de paix avec le présent, l’avenir, le flux des générations et l’au-delà.Ce tableau de Jean Honoré Fragonard, « Le verrou », peut symboliser cet interdit.

De la scène des origines qui vous donnera vie, restons exclus. Dehors ! À l’écart ! 

Le verrou – Jean Honoré Fragonard – Vers 1777

le verrou fragonard

Quand à la mort, nous verrons ce qu’il se passe quand nous franchirons le seuil.
L’âme légère si possible.”

©️Sandrine Delrieu. Février 2017 


1 : « To be or not to be ». Shakespeare. Hamlet.
2 : Et oui 🙂
3 : Voir les recherches de l’islamologue Rachid Benzine, de Guillaume Dye, de l’historienne Jacqueline Chabbi, et de bien d’autres chercheurs.
4 : https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-verrou [13]


PS : L’original de cet texte est ici : https://sandrinedelrieu.com/2017/03/11/desamorcer-les-fantasmes-des-origines/ [14]

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LIEN. Dounia Bouzar – La déception de certains jeunes vis à vis de la mise en oeuvre des valeurs de la République

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En écoutant attentivement les explications de certains jeunes (ayant grandi en France) sur les raisons de leur engagement dans l’État Islamique, l’oreille attentive perçoit le désir de justice, de fraternité, d’égalité… comme levier dans les promesses d’un ailleurs meilleur. Comme si, justement, les valeurs de la République faisaient tellement référence, qu’ils désiraient en accélérer un “accomplissement idéal” et idéalisé.
Cette observation est à la fois tragique et prometteuse, car c’est bien en améliorant la mise en oeuvre concrète, la pratique au quotidien de ces valeurs d’égalité, d’équité et de justice, et en incluant les jeunes dans notre capacité à améliorer notre “faire société” que nous pourrions avancer ensemble.

Un article de Dounia Bouzar résume bien cette observation. Vous en trouverez ci-dessous une synthèse, l’article complet sur le site de Solidarité Laïque [15]


« Que nous disent les motifs d’engagement des jeunes de Daesh sur notre société ? »

« Quel est le profil des jeunes qui rejoignent Daesh, tous nés et socialisés à l’école de la République démocratique et laïque ? (…) On pourrait penser qu’il s’agit d’une frange de la population en difficulté d’intégration qui a voulu rejoindre ce groupe terroriste parce qu’elle rejetait nos valeurs… Pourtant (…) on s’aperçoit que la propagande de Daesh touche aussi des jeunes qui ont cru en la devise de la République.  Pour les attirer (…) les recruteurs ne parlent pas de leur projet d’extermination externe et de purification interne mais construisent une propagande mensongère qui met en scène un monde d’égalité et de fraternité parfaites… » 

Alors que le discours d’Al Qaïda s’appuyait sur la présentation d’un projet théologique, celui de Daesh et de ce que l’on pourrait nommer « le djihadisme contemporain » s’appuie sur les ressorts intimes des jeunes. Des communicants adaptent les arguments aux différents pays en étudiant les dysfonctionnements politiques de ces derniers : qu’est-ce que les politiques ont promis à la jeunesse chinoise, belge, tunisienne, française, et qu’ils n’ont pas tenu ? Puis on assiste à une individualisation de l’embrigadement : les recruteurs français cherchent la vulnérabilité (psychologique et/ou sociale) de leur interlocuteur pour le persuader que seule son adhésion à l’idéologie « djihadiste » pourra constituer « la bonne réponse », en lui permettant à la fois de se régénérer et de régénérer le monde. (…)

« Un discours fait autorité quand il « fait sens ». (…) Au-delà de la justification idéologique qu’il permet, l’islam se présente dans la bouche des recruteurs aussi et surtout comme un récit qui permet non seulement de donner un sens à sa vie mais aussi de vivre en groupe. 

Deux traits sont récurrents :

Daesh (…) se sert des mécaniques existantes dans les rituels initiatiques en faisant croire à ses recrues qu’elles vont se libérer des basses contingences de la vie ici-bas et acquérir le contrôle total de leurs vies en traversant la frontière. Les adolescents ont besoin de passer par une épreuve qui leur permettre de se dépasser, de manière à se sentir utiles et nécessaires aux autres. C’est la fonction du rite initiatique des sociétés traditionnelles : l’enfant dépasse les limites de sa propre famille pour prendre sa place dans le monde. Il s’inscrit dans la chaîne humaine.

C’est une contre-initiation que Daesh propose :  le jeune se retrouve coupé de tout ce qui faisait de lui un humain, sa famille, ses sentiments, son corps, sa liberté de pensée. Il est sous l’emprise d’un groupe terroriste et totalitaire qui pense à sa place. A la fin du processus, le groupe ne fait pas que penser à sa place, il existe à sa place. L’individu doit se sacrifier pour lui parce que la cause a envahi l’ensemble de son psychisme. En adhérant à l’utopie d’un monde meilleur régi par la loi divine, il s’est en fait inscrit dans la chaîne de la mort. »

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Protégé : OUTIL VIDEO. Aimantations. Pourquoi une aimantation entre des jeunes ayant grandi en France et “Daesh” ?

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LIEN. Pourquoi tant de haine ? avec Hélène L’Heuillet

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Une émission de France Culture – Radio Campus France. Lien ICI [16]

Avec Hélène L’Heuillet, maître de conférence en philosophie à Paris IV, psychanalyste et auteure de l’essai Tu haïras ton prochain comme toi-même, publié chez Albin Michel.

“Depuis quelques années, la haine se déverse un peu partout dans la société, sans frein, sans honte et sans vergogne. Alimentée par les médias, mobilisées par les politiques à des fins électoralistes, affichée haut et fort dans la rue ou sur les réseaux sociaux, la haine a fait en quelque sorte son coming out. Ressentie par chacun de nous, elle n’en est pas moins un sujet tabou. Ou plutôt était…

Si la haine est une expérience psychique nécessaire, impossible de grandir ou de passer les étapes de la vie sans en faire l’expérience, l’absence de refoulement de cet élan pulsionnel est dévastatrice pour la vie en société et pour soi-même. Or la haine s’invite de nos jours dans les dialogues, et surgit au moindre désaccord, entre voisins, dans le couple, dans la famille, au travail, et bien sûr, de façon véhémente, en politique. Et ce nouveau discours de la haine produit nécessairement de nouvelles formes de violence.

Au croisement de la psychanalyse et de la philosophie, essayer de comprendre comment les discours haineux portés par les leaders populistes et le terrorisme islamiste parviennent aujourd’hui à séduire autant de jeunes.”

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TEMOIGNAGES. Formation “Matières à penser, ressentir et agir face aux radicalisations” / Dans un Collège à Avignon

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Vous trouverez ci-dessous une synthèse des échanges qui eurent lieu durant cette formation avec les enseignants et documentalistes (en 2017).
Le descriptif de la proposition de formation est ICI [17]. Elle est réalisée depuis 2017 par Sandrine Delrieu (Le Cerese), Clotilde O’Deyé et Florence Lardillon (Anthropos Cultures Associées).

Préalable : ce collège à Avignon est proche de la cité Reine Jeanne, où le chauffeur de taxi nous raconte le matin que les taxis n’entrent pas la nuit. Les enseignants nous disent qu’un Iman a une grande influence chez les jeunes et familles. Cet article évoque la situation en janvier 2016 : http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Avignon-Reine-Jeanne-la-cite-des-salafistes-903833# [18]

Selon le personnel du collège, le collège témoigne d’une “belle mixité” quant à la provenance des élèves.
Ils sont très inquiets de l’intrusion du religieux dans l’établissement :

Début de journée : projection du film “Aimantations. Pourquoi une aimantation entre des jeunes ayant grandi en France et Daesh ?”

Nous avons senti les stagiaires très affectés par les récits contenus dans le film “Aimantations [19]“, et ce dont témoigne ces jeunes. LIEN [20]

” Je suis très triste, je me sens démunie, si cette jeunesse là se sent à ce point délaissée, c’est terrible, la responsabilité qu’on a, la responsabilité des parents. Qu’ils sentent cette ségrégation, alors qu’on a l’impression d’œuvrer dans le sens contraire.”

“Je ne crois pas qu’il y ait un modèle de société qui puisse leur convenir. C’est un suicide collectif”

Ils notent dans leur quotidien à propos de la “liberté d’expression” :

“J’entend souvent les élèves dire : “J’ai le droit de dire ce que je pense !” Il n’y a plus de retenue, de notion de la relation.”

Mais du coup, ils pointent le fait que si pour certains jeunes ceux qui “insultent le prophète” dépassent une limite (un interdit), eux aussi peuvent se sentir autorisés à dire tout ce qu’ils pensent, et à ne pas avoir de limites. Ce type de face à face semble insoluble, chacun brandissant et imposant ses droits, sa liberté d’expression et imposant ses interdits à l’autre.
Ils s’interrogent également sur le “besoin spirituel” dont témoigne un des jeunes dans le film.

“Ce besoin de transcendance, de spiritualité, ce “quelque chose” qui va au-delà de “manger, travailler, consommer…”, qu’est ce que propose notre société, à part le dernier smartphone ?

“Qu’est-ce que l’on propose comme idéal ?”

Et un terrible constat : “Daesh propose du travail”… (PS : nous étions en 2016/2017)

“Je suis très embarrassé, cela me renvoie mon impuissance. J’entends des jeunes très malheureux, leur humiliation. Même si j’y crois encore, je me sens très impuissant pour transmettre certaines valeurs. Cela me renvoie au politique, les affaires (les emplois fictifs de Fillon actuellement / 2017), ces gamins se construisent en regardant les infos, on bafoue les droits élémentaires des individus, ils voient les injustices. Quand je vois ces images, je peux comprendre qu’ils soient partis, et qu’ils ne veuillent pas revenir. C’est terrible”

À propos de leur travail dans le collège, des relations avec les élèves, etc…

Pour une grande majorité de collégiens :

Mais :

À propos de l’orientation :

Le rapport à l’autorité et au mérite

À propos de l’athéisme :

À propos de la discrimination

Le temps de travail de groupe 

Les échanges en petits groupes permettent d’identifier les actions et les leviers déjà mis en œuvre par les enseignants, CPE, documentaliste…

Dans ce collège, deux dynamiques sont particulièrement propices pour développer d’autres types d’actions avec les jeunes :

Le centre de documentation

Les besoins exprimés par les équipes :

La classe relais (en 2017)
Voir le dispositif ici : http://eduscol.education.fr/pid23264/dispositifs-relais.html [21]

Le lien avec des professionnels extérieurs est très important

BESOINS : que ces classes relais soient soutenues, en moyens et en personnel, car elles jouent un véritable rôle structurant dans le parcours des jeunes. 

Même remarque que pour les documentalistes : la pédagogie s’adaptant aux élèves, les enseignants de classe relais sont des personnes ressources importantes dans un établissement.

Paroles d’enseignants

Les instances de représentation pour les élèves (être élu délégué, le conseil général des collégiens (avant), etc

Des questions en suspens… à propos des valeurs de la république, de la laïcité, de l’autorité…

Le cadre des “valeurs de la république” et du principe de la laïcité sont malmenés. 

Les valeurs de la république sont-elles vécues par les élèves dans l’établissement ? Quand ? Comment ? Les transmettre intellectuellement ne suffit pas (surtout quand les jeunes voient dans l’actualité que ces principes ne sont pas toujours respectés par les hommes politiques, etc). Cela pose la question du lien entre le vécu affectif et son expression dans la sphère intellectuelle, dans le domaine des idées. 

Ces valeurs, si elles sont vécues et pratiquées dans la jeunesse au niveau affectif, relationnel, si elles sont appréciées émotionnellement comme “bonnes pour soi-même et pour le vivre ensemble”, peuvent devenir des valeurs, des points d’appui intellectuels, et être projetées dans le futur.

Si les valeurs ne sont pas vécues concrètement, ce ne sont que des mots.

  1. Quand les élèves se sentent-ils réellement utiles dans l’établissement ? Partie prenante ? 
  2. L’autorité. Suffit-il de leur lire le règlement intérieur en début d’année ? Ou devraient-ils apprendre à participer à la construction de règles auxquelles ils peuvent alors accepter de se soumettre “librement” ? (Rousseau). 

A propos des risques de radicalisation fondamentaliste.

Bilan de la journée de formation.

En fin de journée, contrairement aux deux précédents modules qui eurent lieu en lycée où les stagiaires étaient “revigorés” intellectuellement et semblaient avoir déjà des points d’appui dans leur pratique pour dialoguer avec les jeunes, nous sentons ici les stagiaires plus démunis :

Les enseignants, documentalistes… témoignent tous d’un grand dévouement pour les élèves et leur métier.

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