Que peut la sophrologie pour apaiser les relations sociales ?

Le mot Sophrologie vient du grec : 
Sos
 signifie tranquille, serein. 
Phren
 signifie cerveau, conscience.
Logos signifie étude, science.

La Sophrologie est l’étude de pratiques permettant d’acquérir une sérénité de l’esprit.
Ces pratiques sont accessibles et bénéfiques pour tous, quel que soit l’âge, chacun dans ses besoins.

Corps, affectif et mental sont liés

Corps, systèmes nerveux, émotions, affects, organes, intellect, tendances relationnelles, représentations, imaginaires, croyances, idéologies… sont en relation. Cette imbrication peut laisser perplexe lorsque nous cherchons les causes d’un problème (qui de la poule ou de l’oeuf… ?). Elle peut également offrir des pistes pour désamorcer par exemple une idéologie violente en passant par l’acquisition d’une nouvelle conscience corporelle. Explications :

Les traumatismes et conflictualités intimes, souvent héritées de l’enfance ou d’événements qui n’ont pas pu être élaborées, ont des conséquences relationnelles, sociales et politiques souvent dommageables :

  • pour les personnes elles-mêmes (réactivité permanente, angoisses, paralysies, addictions, sentiment de toute puissance, fantasmes envahissant, problèmes d’apprentissages, difficultés dans la symbolisation…)
  • pour leur entourage proche (crises de nerfs, incapacité de communiquer, rejets, manipulations affectives, besoin d’avoir une emprise sur les autres…)
  • pour leur environnement professionnel et social (tensions dans les groupes et équipes, autoritarisme, relations dominant / dominé, harcèlement, persécution…)
  • pour leurs tendances idéologiques et politiques (paranoïa et recherche d’un “bon ennemi”, projection de la haine sur d’autres groupes humains, fanatisme…)
  • et parfois pour des inconnus (agressions, insultes, attentats…).

Faire “un travail sur soi”, en thérapie, en psychanalyse… peut résoudre certains problèmes ou du moins réduire les effets négatifs de certains traumas. Mais ce travail est souvent long, il demande un engagement et une assiduité que de nombreuses personnes ne peuvent pas ou ne veulent pas faire, par manque de moyens financiers, de temps, parce que ce n’est pas dans leur culture – ou parce qu’elles ne réalisent pas qu’elles ont un grave problème, une faille qui les abime et abime leurs relations.

Qui plus est, les plus graves traumatismes sont souvent logés dans le pré-verbal, les personnes n’ont pas conscience de ce qui les agite ni pourquoi, elles semblent parfois simplement “possédés” par une machine intérieure qui tourne en boucle, et les pousse à répéter sans arrêt les mêmes comportements et réactions. Les traumas les plus destructeurs tournent autour de l’abandon, des insécurités primaires, de l’abus et de la maltraitance (physiques et psychiques), ayant eu lieu dans les premières années de vie. Les événements sidérants qui ont été vécu seuls, dans l’humiliation, la honte ou la culpabilité, sans possibilité de les élaborer par le récit et d’être entendu dans leurs multiples conséquences, laissent également des marques profondes.

Les parents et la famille peuvent en être responsables, par leur immaturité et leurs propres comportements, mais pas toujours. D’autres personnes sont en lien avec les enfants et les jeunes, et certains événements de vie tels que la maladie, l’absence pour des raisons professionnelles ou autres, la précarité et une insécurité permanente… peuvent provoquer ces contextes traumatisants.
La manière de se construire jusqu’à l’adolescence avec ces traumas peut se cristalliser dans une structure psychique de tendance narcissique, perverse, paranoïaque ou mélancolique… qui pourra résister à tous les éclairages et remaniements proposés par des proches, des thérapeutes ou éducateurs. Parler alors ne sert à rien, malheureusement. Le noeud des problèmes reste inaccessible à la conscience de soi, au langage, à l’élaboration dans le symbolique et à la relation.

Repartir de la base : le corps, la respiration, la conscience de soi

Ce constat invite à s’occuper du pré-verbal et à “redescendre” dans les bases : le corps.
La psychanalyse et les neurosciences sont deux connaissances qui permettent de réaliser à quel point depuis notre conception, dès notre vie foetale et naissance à l’air libre, le corps enregistre nos vécus bénéfiques et maléfiques — et à quel point, à partir de ces enregistrements dans notre psychisme et notre biologie même (plasticité cérébrale, systèmes et organes), nous re-produisons, nous répétons…

L’ancrage, la détente musculaire, la respiration et la conscience corporelle sont à la base de la pratique de la sophrologie et d’un travail de résilience.

Effets sur les systèmes nerveux : rééquilibrer et détendre

Un des premiers effets de la pratique de la sophrologie concerne le système nerveux végétatif (SNV), et plus particulièrement l’équilibre entre l’orthosympathique et le parasympathique.

En générant un effet global, cette approche pluridisciplinaire développe un imaginaire de vie plus riche, améliore les compétences relationnelles et sociales, fortifie notre intuition, notre clarté d’esprit et nos capacités d’analyse clairvoyante des situations. Elle permet d’acquérir des compétences et des connaissances, de développer une confiance sereine, de (re)prendre des initiatives et de mieux répondre (et non de ré-agir) aux événements en développant notre créativité, nos dons et ressources. Elle permet de trouver de meilleurs équilibres dans les relationnels intimes et sociaux en soutenant à la fois notre processus d’individuation et nos choix de vie – et nos capacités d’empathie, de respect et de manières d’être en lien avec les autres qui soient bénéfiques à tous.

Cet état d’esprit convoque également des connaissances qui permettent de développer une sérénité, du recul, des ressources personnelles et collectives. En tant que domaine de recherche sur l’être humain de la naissance au départ, sur les relations familiales et sociales, sur ce qui nous anime et nous habite, sur nos représentations et nos croyances, sur nos difficultés, nos traumatismes et nos ressources… cette recherche sur les processus de paix se nourrit d’autres “logos” : la sociologie, l’anthropologie, les sciences politiques, l’étude des religions et des manières de croire, l’éducation, l’économie, l’histoire, les recherches médicales, les neurosciences…”

©Sandrine Delrieu, sophrologue, sophro-analyste. Décembre 2017.




EXERCICE. S’asseoir, fermer les yeux, respirer consciemment

Les personnes qui pratiquent la méditation, ou relaxation intérieure, disent que “cela fait du bien”, constat d’une sensation intérieure qui mérite quelques développements. Ce “bien” s’ancre dans un ressenti corporel, souvent d’apaisement et de quiétude, qui peut également provoquer une joie, une sensation de liberté.
Ce “bien” n’est pas magique, la méditation agit sur notre système nerveux végétatif (SNV) qui régule de nombreuses fonctions de notre corps (tout ce qui se fait sans que nous ayons besoin d’y penser ou de le vouloir : “le corps” respire, digère, produit des hormones… la vue s’adapte, le sang circule…).
Qui plus est, ce système nerveux réagit aux stress, aux chocs, aux peurs… en entrainant de nombreuses modifications physiologiques (adrénaline, accélération cardiaque, afflux de sang…). Lorsque cet état intérieur perdure, il peut entrainer épuisement, insomnie, agressivité, hypervigilance… l’ensemble ayant un impact dans le relationnel.

COMMENT MÉDITER

La base de la méditation est de s’arrêter… s’arrêter de courir, de penser, d’être dans le passé ou le futur, ailleurs ou autrement, et de se poser dans le présent.

S’asseoir, sur une chaise ou en tailleur au sol. Étirer le corps en préalable, et s’installer le plus confortablement possible (le dos, l’écartement des jambes, la position du bassin, de la tête…).

La suite est de RESPIRER, simplement, naturellement, et de sentir tout ce qu’il se passe dans le corps.
À l’expiration, relâcher les tensions musculaires, le visage, les épaules…
À l’inspiration, mettre de l’espace dans son corps et sentir le contact avec le sol, la chaise…
RESSENTIR, ne pas réagir à ce que l’on ressent, ne pas juger, simplement constater, accueillir toutes les sensations.
S’il apparaît des zones douloureuses dans le corps, respirer dans ces zones, détendre.

Si des pensées surgissent, nous entraînent ailleurs… (ce qui arrive souvent, surtout au début de la pratique ou lorsque notre quotidien ou nos relations sont stressantes) ramener simplement la conscience dans la respiration et dans le corps.

Cinq ou dix minutes par jour peuvent avoir un effet très bénéfique.
Ce n’est pas la peine de “vouloir” faire une heure de méditation par jour si vous savez d’avance que vous n’aurez pas le temps, et que vous allez culpabiliser ou laisser tomber. Faire peu, faire simplement, faire tranquillement… est déjà le début d’un retour à soi plus paisible.




LIENS. La sophrologie étudiée et conseillée par le docteur Marcel Rufo

Un interview du professeur Marcel Rufo, pédopsychiatre, réalisé par Sofrocay en février 2016. Marcel Rufo est médecin, neuropsychiatre et pédiatre.

“Je suis un prescripteur de la sophrologie, avant une psychothérapie, une évaluation, une hospitalisation”.

Le retour au corps est fondamental pour créer une alliance et se réapproprier son corps. Le socle du mieux-être c’est souvent pour moi la sophrologie. L’adhésion des enfants et des parents est quasi totale.
L’avenir de la sophrologie ? Je vois un avenir extraordinaire de prescription. Il y a le socle du vécu en sophrologie, du vécu corporel mais aussi du vécu-soi, de la conscience qui interroge sa conscience et qui ouvre des perspectives anticipatrices. Sophro un jour sophro toujours. Pour les enfants, cela sera utile dans toute leur vie.
La sophrologie peut être un outil dans la pédagogie. Un temps de sophrologie offert par la municipalité pour tous serait un enrichissement extraordinaire pour la population. Il faudrait considérer ça comme une discipline fondamentale d’éducation de soi, d’éducation et de parcours de sa propre vie.
Pour le politique, il faudrait aussi mettre les maires et le personnel politique en sophrologie !
Je plaiderai pour que cela soit une notion fondamentale associée à toutes les autres connaissances, santé, connaissances des mécanismes psychiques de l’enfant et du développement et la sophrologie comme une pratique corporelle et comme initiation d’investissement et d’appropriation de soi. Je dis cela sans aucune réserve et avec beaucoup de militantisme pour cette discipline.”
Marcel Rufo


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Une autre conférence


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Liens

Marcel Rufo sur wikipedia

Médecin, neuropsychiatre et pédiatre.
Titres hospitaliers
• Médecin Chef en psychiatrie infanto-juvénile des Bouches-du-Rhône.
• Chef de Service de pédopsychiatrie du CHU Sainte-Marguerite, Assistance publique de Marseille.
• Chef de Service de l’Unité d’adolescents, « Espace Arthur », au CHU Timone, Assistance publique de Marseille.
• Chef de Service de la Maison de Solenn, Maison des Adolescents, Hôpital Cochin, Assistante Publique de Paris.
• Chef de Service de l’unité d’adolescents, Espace Arthur, CHU Hôpitaux Sud.
• Directeur médical de l’Espace Méditerranéen de l’adolescence, Hôpital Salvator, Marseille, depuis 2010

Quelques ouvrages :
• Comprendre l’ado avec Christine Schilte, Hachette Pratique, 01/2000.
• Madame Dolto avec Frédérique Authier-Roux, Eres, 2000
• Frères et sœurs, une maladie d’amour avec Christine Schilte, Fayard, 04/2002, réédition Lgf, 10/2003.
• Langage avec Christine Schilte, Hachette Pratique, 09/2004.
• Bébé parle avec Christine Schilte, Hachette, 09/2004
• Le Mystère de la vie : de la conception à la naissance avec Barry Werth, Alexander Tsiaras, préface de Marcel Rufo, Filipacchi, 10/2005.
• Élever bébé : de la naissance à six ans avec Christine Schilte, Hachette Pratique, 08/2006.
• Les nouveaux ados : comment vivre avec ? avec Serge Hefez, Patrice Huerre, Philippe Jeammet, Daniel Marcelli et Marc Valeur, Bayard,08/2006.
• Le passage : les conduites à risque à l’adolescence, avec Armelle Barnier, et Aurélie Souchard, Anne Carrière, 11/2006.
• Regards croisés sur l’adolescence, son évolution, sa diversité avec Marie Choquet, Anne carrière, 03/2007, réédition Lgf, 10/2008.
• Détache-moi ! : se séparer pour grandir, Lgf, 10/2007
• La vie en désordre, voyage en adolescence, 2007, réédition Poche, 09/2009.
• Pourquoi bébé pleure avec Christine Schilte, Hachette Pratique, 03/2008.
• Œdipe toi-même ! : consultations d’un pédopsychiatre, Succes du Livre, 02/2009.
• Élever votre enfant de 6 à 12 ans avec Christine Schilte, Philippe Meirieu, Pascale Leroy, Hachette Pratique, 09/2009.
• Chacun cherche un père, Anne Carriere, 10/2009
• L’Abécédaire de Marcel Rufo, Anne Carrière, 11/2010 (livre + DVD)




CONFÉRENCE sur la méditation à la faculté de médecine de Strasbourg

L’Université de Strasbourg s’intéresse de très près aux effets bénéfiques de la médiation sur la santé.

Jon Kabat-Zinn, fondateur de la célèbre clinique de réduction du stress, Center for mindfulness in medicine, health care, and society (University of Massachusetts medical school), a animé une conférence exceptionnelle intitulée “Méditation et médecine du corps-esprit : quels effets en santé publique et dans la société”, mercredi 9 novembre 2016, à 20 h, à la Faculté de médecine.

Cette conférence se situe dans la suite des conversations scientifiques avec le Dalaï Lama qui se sont tenues à l’Université de Strasbourg, le 16 septembre dernier.
Echanges en anglais, traduits en français en direct

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PRESSE. La méditation améliore le cerveau, par Antoine Lutz, chercheur à l’Inserm

Article paru sur Le Point le 05/07/2014

Rencontre avec Antoine Lutz, chercheur à l’Inserm, qui explique au “Point” pourquoi les neuroscientifiques s’intéressent à la méditation. Propos recueillis par JÉRÉMY ANDRÉ

Peut-on prouver scientifiquement que les exercices de méditation améliorent le fonctionnement du cerveau ? Antoine Lutz, chercheur à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a participé à beaucoup d’expériences menées en France et aux États-Unis.

Le Point.fr : Pourquoi les neurosciences s’intéressent-elles à la méditation ?
Antoine Lutz : Certains neuroscientifiques y voient un modèle prometteur pour explorer la neuroplasticité du cerveau, mieux comprendre les bases physiologiques qui sous-tendent le caractère subjectif de l’expérience méditative. Les électroencéphalogrammes et les scanners nous ont ainsi permis de scruter la dynamique et le recrutement spécifique de zones du cerveau pendant la méditation.

Peut-on déjà présenter des résultats ?
Oui. D’abord, nous avons constaté l’amélioration de certaines fonctions cérébrales. Plusieurs études, dont certaines menées par l’équipe de Richard Davidson, à Madison, dans le Wisconsin, dont j’ai aussi fait partie, ont montré qu’un entraînement soutenu à la méditation de “pleine conscience” accroît les capacités à maintenir son attention sur un objet sans être distrait. Une autre montre que la pratique de la compassion chez des méditants très avancés augmente la synchronisation des ondes cérébrales entre des parties très éloignées du cerveau. Or, la synchronisation est l’un des phénomènes essentiels de la conscience.

La méditation produirait-elle ainsi une conscience augmentée ?
Cela reste à démontrer. Ce type de méditation semble occasionner des changements dans la structure anatomique du cerveau, lorsqu’elle est pratiquée longtemps. Les chercheurs travaillent à tester des hypothèses prometteuses qui ne portent plus exclusivement sur le cerveau. L’une d’elles est que la capacité à réguler le stress par la méditation pourrait avoir un impact bénéfique sur des processus moléculaires importants pour la santé physique. Par exemple, un groupe de l’université de Davis en Californie a montré que trois mois intensifs de méditation affectaient l’activité des télomérases, enzymes essentiels dans la protection contre le vieillissement cellulaire. Nous avons montré aussi récemment avec le Dr Perla Kaliman de Barcelone qu’un jour de pleine conscience réduisait l’expression de gènes impliqués dans l’inflammation.

Quels sont les autres défis de cette recherche ?
Un défi méthodologique : faire la différence entre ce qui relève de la méditation en tant que telle et ce qui provient d’autres facteurs. Ainsi, quel est le principe actif ? La technique elle-même, le charisme de l’intervenant, la croyance des élèves, ou simplement l’effet de groupe ? J’ai étudié la question avec Donald MacCoon de l’université de Madison. Nous avons comparé les méditants à un groupe actif entraîné avec d’autres techniques affectant le stress ou le bien-être, comme la thérapie musicale, l’exercice physique et la diététique. Nous avons trouvé un effet d’entraînement comparable avec le groupe contrôle sur certaines mesures, même si les effets de la méditation restaient spécifiques sur des mesures de la réponse inflammatoire lors d’un stress social. C’est pour cela qu’il faut se montrer assez prudent vis-à-vis de résultats obtenus sans un groupe contrôle adéquat.

Vous semblez avoir peur de ne pas être pris au sérieux ?
C’est que la rigueur scientifique est essentielle dans ce domaine. Dans les années 1970, la qualité scientifique des recherches autour de la méditation transcendantale était très faible. Résultat, ce fut un faux départ et il a fallu attendre une dizaine d’années pour voir les premières publications scientifiques sérieuses sur ce sujet. Qu’est-ce qui a déclenché ce nouvel intérêt ? Des programmes cliniques comme la méditation de pleine conscience de Jon Kabat-Zinn. En outre, depuis 1987, les dialogues organisés par le Mind & Life Institute entre des scientifiques et le dalaï-lama ont joué un rôle moteur.
La méfiance de la communauté scientifique s’est dissipée quand des chercheurs établis se sont investis dans cette recherche, d’abord pour trouver des recettes contre les douleurs chroniques, le stress, les troubles de l’humeur, la rechute dans la dépression… Puis la recherche s’est élargie à la psychologie et aux sciences cognitives ainsi qu’à la biologie moléculaire, à la génétique, etc. On étudie aujourd’hui des applications sociétales de la méditation, dans l’éducation et dans le monde carcéral.

C’est tout cela qu’on appelle les “sciences contemplatives” ?
Oui, toutes ces recherches qui portent sur les pratiques contemplatives comme la méditation bouddhique, le yoga, les pratiques contemplatives chrétiennes, etc. Le Canadien Mario Beauregard a étudié des soeurs carmélites en prière. Mais il reste encore de larges champs à défricher. Par exemple, pourquoi la pratique tantrique du Tummo a-t-elle pour effet de pouvoir contrôler la température corporelle ? On ne sait pas encore très bien comment ça marche. (…)

On parle de plus en plus d’amplifier nos capacités cognitives par la technologie. La méditation serait-elle une manière plus “naturelle” de le faire ?
Ce n’est pas son but premier, même si le parallèle est parfois fait. On la compare ainsi avec les techniques de neurofeedback pour interagir avec les ondes cérébrales par l’image, le son et l’électricité, au moyen d’électroencéphalogrammes. Certains scientifiques se demandent aussi comment la neuro-ingénierie pourrait accélérer le développement de l’expérience contemplative.

Quel rôle joue le Mind & Life Institute ? Sa conférence annuelle est devenue le Davos de la méditation. Mais c’est un organisme d’inspiration bouddhique. Vous ne craignez pas le prosélytisme ?
C’est un catalyseur. Son rôle n’est pas de financer les recherches, mais de promouvoir une recherche d’excellence. Après, si ses responsables allaient trop loin dans le sociétal, surtout l’éducation, on pourrait s’inquiéter d’un possible prosélytisme. Il faut être là aussi très prudent. Le rôle de la science, c’est la recherche fondamentale au sens pur. Il faut accepter de publier des résultats négatifs et reconnaître que la méditation ne marche pas toujours. Willoughby Britton, chercheuse à la Brown University, a ainsi commencé de faire l’inventaire des problèmes posés par les retraites intensives. Elle a constaté quelques très rares cas de problèmes psychiatriques, des gens qui ont pratiqué intensivement et sans supervision, ou qui avaient des problèmes psychologiques à l’origine. Ce qui montre qu’il faut absolument se poser la question : la méditation est-elle faite pour tout le monde, et notamment pour les enfants ou pour les schizophrènes ?

Et l’utilisation des résultats scientifiques pour vendre les techniques méditatives comme outils de performance et de relaxation ?
C’est un autre écueil. Plus la méditation devient populaire, plus les gens en parlent sans vraiment savoir ce que c’est. Les scientifiques peuvent lutter contre cela, en montrant les différences entre les pratiques. Il n’y a pas qu’une seule méditation, comme il n’y a pas qu’un seul sport. Chaque sport fait travailler plus ou moins la cardio, les différents muscles, le contrôle moteur… De la même manière, il y a des familles de méditation. Dans la tradition bouddhique, certains manuels parlent, sans doute de manière métaphorique, de 84 000 formes de méditations. L’enseignant doit choisir celle appropriée à chaque individu.